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TRIBUNE – Buy Now Pay Later (BNPL), une innovation qui attire l’œil des régulateurs

Par Benjamin Blondeau, directeur de la stratégie de Skaleet.

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Le paiement différé ou fractionné, ou “Buy Now Pay Later” en anglais (BNPL), représente globalement un encours de 100 milliards de dollars qui devrait doubler d’ici à 2024. Dans certains pays, il n’est pas exempt de risques.

Le concept d’acheter tout de suite, mais de payer plus tard, s’est répandu rapidement sur toute la planète. Buy Now Pay Later en anglais (BNPL), ou paiement différé ou fractionné en français, consiste pour les commerçants à abandonner un peu de marge sur trois ou quatre mois pour stimuler l’achat des produits qu’ils vendent. Et cela fonctionne particulièrement bien.

Le mécanisme génère un encours de crédit à court terme pouvant être packagé sous forme de titres de créances. Ils sont alors refinancés par des banques commerciales, voire des fonds spécialisés. Il est possible qu’un rehausseur de crédit intervienne pour assurer une garantie de bonne fin.

Plusieurs start-up et plusieurs banques se sont positionnées sur ce secteur qui implique de « faire du volume » pour compenser des marges réduites. Globalement, le marché du BNPL représente aujourd’hui un encours de 100 milliards de dollars, qui devrait doubler d’ici à 2024. Si « faire du volume » plaît aux commerçants, cela attire l’attention des régulateurs, soucieux de ne pas avoir à traiter un nouvel épisode de surendettement.

Qu’en est-il ? D’abord, remontons le temps et, pour la France, regardons les années 1950. Le paiement fractionné existe depuis longtemps. Dans les cités ouvrières et avant l’avènement de la grande distribution, l’épicier de village tient un carnet pour noter les achats que certaines familles promettent de payer en fin de mois, au moment de la paye. C’était un crédit facile, mais aussi un crédit gratuit et un crédit dont le risque est contenu : l’épicier, connaissant ses clients, sait qu’il existe des limites à ne pas dépasser. Le crédit concerne surtout les produits alimentaires et de première nécessité.

Aujourd’hui, malgré le web, malgré l’analyse de données, la connaissance du client et sa capacité à rembourser un crédit semblent pour le moins incomplètes. L’épicier du village a été remplacé par les grandes surfaces qui elles-mêmes sont défiées par les acteurs du e-commerce. Le BNPL finance non seulement des achats alimentaires, mais aussi des achats de produits de grande consommation, synonyme de croissance pour les acteurs de la distribution.

Alors, existe-t-il un risque quasi systémique ? Peut-on connaître un épisode à la manière des « subprimes » américains et des crédits structurés comme en 2008 ?

La crainte d’un défaut est justifiée pour les pays d’Europe continentale où des réglementations du type Informatiques et Liberté protègent la vie privée des citoyens et donc interdisent la diffusion de score de crédit. Ce n’est pas le cas des États-Unis et du Royaume-Uni où la pratique est largement adoptée. À ce titre, notons qu’Apple vient de racheter Credit Kudos pour 150 millions de dollars. Cette start-up britannique de services « Open Banking » aide les prêteurs à prendre de meilleures décisions en matière de crédit. Elle peut être considérée comme un concurrent des grandes agences d’évaluation du crédit que sont Equifax, Experian et TransUnion.

Par ailleurs, l’appétence des Venture Capitalist pour les start-up identifiées comme acteur du BNPL est toujours vive. Alors qu’ils avaient collectivement investi 150 millions de dollars sur le sujet en 2016, les VC ont porté le montant global à plus de 3,5 milliards de dollars en 2021. Plusieurs acteurs ont pu hisser leur valorisation au niveau des licornes, voire des décacornes, dont le suédois Klarna, l’américain Affirm et l’italien Scalapay.

Pour l’instant, le mécanisme semble bien fonctionner et n’est pas globalement remis en cause. À condition de bien faire attention au mode de refinancement des particuliers. Si ces derniers prennent un crédit fractionné qu’ils remboursent au fil de l’eau avec leur revenu, il n’y a pas de problème. En revanche, s’ils font intervenir une autre structure, leur taux d’endettement peut monter considérablement de même que leur profil de risque. C’est un peu le cas au Royaume-Uni, où certains consommateurs payent cash la première mensualité, mais utilisent une carte de crédit à intérêt de 20% pour payer les suivantes. Le risque de crédit est certes transféré sur l’émetteur de la carte de crédit, mais il n’a pas disparu pour autant. Précisons que cette pratique s’observe chez les jeunes et plus particulièrement dans des zones économiques défavorisées.

De plus, l’effet du taux d’intérêt élevé sur la santé financière des utilisateurs est souvent défavorablement impacté par les pénalités de retard imposées à ceux qui ne peuvent pas régler leur crédit à temps.

Et là, comme le recommande le rapport parlementaire de Philippe Chassaing sur le sujet, le régulateur aura certainement et rapidement son mot à dire.

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